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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 17:12




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A chaque fois que quelqu’un me crie dessus ou me fait un commentaire sur un ton autoritaire, je ressens un inconfort absolu. J’ai toujours cette réaction disproportionnée, cette impulsion : il faut que je me lève, que je sorte de la pièce, je ne peux pas supporter ça. Mais bien-sûr la personne raisonnée et raisonnable que je suis reste bien sagement à sa place et analyse bien froidement la situation : est-ce que je décide d’être diplomate (la plupart des gens se calment et s’excusent quand on les prend avec douceur), ou est-ce que je cède aux sirènes de le répartie ? Si je cède, comme cela ne m’arrive pas souvent, il faut que j’en profite, que je me défoule. Comme un joueur d’échec, je vais chercher le meilleur coup, la réponse la plus méchante, la plus blessante possible. Je vais jouer au grand couturier et tailler une belle réponse sur-mesure, car j’ai ce « don » de voir où cela fait mal.


Mais pourquoi est-ce que cela m’insupporte à ce point ? Au cours de mes longues années d’ennui à l’école, au collège, au lycée et même après, j’ai eu l’occasion de faire une magnifique provision de réflexions, d’humiliations (« c’est à coup de grandes humiliations que l’on devient humble ») et autres gentillesses. J’avais toujours de bonnes notes, de très bonnes notes même, alors il était difficile de trouver quoi que ce soit à me reprocher et pourtant… Il y a toujours quelque chose. Il est, parmi les professeurs, une espèce particulière d’aigris maniaques à tendances plus ou moins perverses, qui est assez bien représentée, particulièrement dans le genre d’établissement conservateur que j’ai eu l’occasion de fréquenter. Quant aux élèves, disons que quelque soit leur niveau de bêtise, ils savent toujours faire la différence entre ce qui est comme eux et ce qui ne l’est pas. Il va sans dire qu’ils n’aiment pas ce qui n’est pas comme eux. Pour en revenir aux professeurs, je déteste par-dessus tout qu’on me hurle dessus. Je suis de ceux et celles qui n’ont pas besoin qu’on leur répète les choses. Je fais aussi accessoirement parti des gens  « hyper-sensibles », des gens qui souffrent d’un rien, même si j’ai appris à bien le déguiser. Alors toutes ces réflexions à longueur de journée… Etaient bien inutiles. Me connaissant, cela revenait à prendre un marteau-piqueur pour enfoncer un clou, ou une tronçonneuse pour trancher une feuille de papier. Il faut comprendre cependant : l’éducation à l’école, c’est l’éducation à la chaîne, nécessairement, elle est standardisée.

 

Quelques de ces expressions sans cesse ressassées sur le même ton d’agacement pincé :

 

Prenez des notes ! Allez, notez ! Je déteste ceux qui ne prennent pas de notes !

Alors avec moi, vous êtes mal tombé mon vieux… Tout le monde ne se destine pas à une carrière de sténodactylo.

Mettez votre capuchon sur votre stylo, ne le gardez pas dans la main quand vous écrivez !

C’est vrai que c’est visuellement très dérangeant de me voir avec mon capuchon dans la main. Puisqu’on est dans ce registre, vous avez quelques bourrelets forts disgracieux… Ce n’est pas un spectacle pour des enfants.

Ne vous tenez pas la tête, vous êtes trop jeune pour être fatigué !

Justement, vous me fatiguez beaucoup.

Vous vous fichez de moi ?

Sans commentaire. C’est bien d’être aussi lucide. Quoique, même pas, j'aimerais juste être à dix mille lieues d'ici.

Soulignez sur la ligne, pas sur l’interligne !

Je sais, je sais, si je souligne mon nom sur l’interligne 20 millions d’Africains vont mourir de faim.

J’ai mis moins quatre pour la présentation.

Super ! Je vais encore avoir une note sur seize et non pas sur vingt.

Mais où est-ce que vous avez appris à écrire ?

En prison. J’écrirai mieux quand j’en sortirai.

Vous écoutez quand je vous parle ?

Je ne peux vraiment pas faire autrement.

Regardez-moi quand je vous parle !

Vous entendre hurler, c’est déjà difficile, mais vous regarder en plus, il ne faut pas trop en demander.

Répétez-moi ce que je viens de dire !

Tout de suite et au mot près, car moi, contrairement, à vous je peux regarder par la fenêtre l’air absent et quand même enregistrer votre discours monocorde.

Arrêtez de faire autre chose pendant mon cours !

Commencez par nous faire un cours qui m’apprenne vraiment quelque chose ou que je ne puisse pas apprendre en cinq minutes à la maison, on verra après.

Si vous vous arrêtez de courir, je vous mets zéro !

Tiens, un zéro ! C’est mieux d’avoir zéro. C’est propre et net le zéro, pas comme un affreux cinq ou un vilain sept.

Je me demandais bien pourquoi vous aviez de bonnes notes, vous trichez, c’est sûr !

Evidemment. You’ve got a talent for stating the obvious.

Voila, on a bien chanté, évidemment il y en a qui gâchent tout… Comme vous.

Evidemment. L’école révèle les talents, c’est bien connu.

 

Je me plains d’avoir subi l’ennui et les éternels refrains, mais je devrais me réjouir de ce que nos professeurs n’avaient plus le droit aux châtiments corporels. Quelle chance j’ai de ne pas avoir connu l’école de mes parents! Aujourd’hui, on parle de violence scolaire dans les banlieues. La violence scolaire a changé de camps, voila tout. Mon grand-oncle chez les jésuites n’avait pas voulu se laisser battre par le père recteur qui l’accusait de je ne sais quelle turpitude. Il lui a balancé son encrier à la la figure. Attitude extrêmement rare pour l’époque, le garçon avait de la personnalité. A côté de cela, vous entendrez des gens très bien vous dire : « les enfants, il faut les dresser », « les enfants, ça se mène à la baguette », et vous les verrez sortir le martinet (mais si, mais si, cela existe encore). Peut-être qu’ils étaient de ces enfants-là qui se mènent à la baguette, moi pas. Etonnante cette propension qu’ont les gens qui ont subi une chose à la faire subir aux autres. Très français aussi cette mentalité à mon sens fort mesquine.

J’ai été témoin de cela en classe préparatoire, mes condisciples se disaient : « nous souffrons, mais les autres aussi vont souffrir ». Personnellement, j’aurais tendance à vouloir éviter aux autres ce que j’ai souffert. J’avoue que je n’ai pas spécialement souffert en classe préparatoire, au regard de ce que j’avais vécu avant. Et puis la classe préparatoire, c’est la première fois où l’on peut et où l’on doit penser par soi-même. C’est l’endroit où l’on ne veut pas juste être un bon élève, faire dans la demi-mesure. On veut de l’excellent, du brillant. « On ne vous demande pas d’être bons, on vous demande d’être les meilleurs ! » Cela m’a plutôt bien réussi. A côté de cela, je me demande toujours si au fond, le système anglo-saxon n’est pas meilleur. J’ai vu dans les highschools et universités anglaises et américaines des gens beaucoup plus épanouis, plus équilibrés (hors de question de mettre les activités sportives de côté par exemple). Bien sûr, il ne faut pas trop rêver, les highschools ne sont pas un Eden de l’éducation, la violence scolaire entre élèves peut aller très loin. Reste que les élèves sont plus libres. Tiens, j’imagine bien un élève américain transplanté en classe préparatoire... Un élève habitué au cours de 45 minutes que l’on ferait rester 4 heures sur sa chaise, un élève habitué aux essais à la maison et aux QCM que l’on ferait disserter en temps limité, un élève qui fait du sport tous les jours qui devrait se contenter de monter les escaliers…

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commentaires

S
<br /> Paradoxalement chez moi, les humiliations scolaires m'ont grandie... j'suis une teigne dans l'âme et je m'en félicite... chacun réagit à ce genre d'attaque selon son mental, moi, ça déclanche la...<br /> bête qui est en moi (hé, hé)<br /> Bonne journée !<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Oui, ça grandit aussi ("ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort", n'est-ce pas Freddie?): on devient invulnérable, ça m'a servi par la suite pour rester imperturbable en toutes circonstances.<br /> Sieglind "la dragonne" une teigne dans l'âme, ça ne m'étonne pas ;-)<br /> <br /> <br />

L'orange Maltaise

  • : L'orange maltaise
  • : « Il pourrait se trouver, parmi [mes lecteurs] quelqu’un de plus ingénieux ou de plus indulgent, qui prendra en me lisant ma défense contre moi-même. C’est à ce lecteur bienveillant, inconnu et peut-être introuvable, que j’offre le travail que je vais entreprendre. Je lui confie ma cause ; je le remercie d’avance de se charger de la défendre ; elle pourra paraître mauvaise à bien du monde ! » (Mémoires de la Duchesse de Dino, 1831)
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