A K. en souvenir de ce qui n'a pas été
« Elle garda le portrait et renvoya les diamants. »
Hortense de Beauharnais, Mémoires (I, 207)
Il porte aux lèvres
Ce pâle trait de rêve
Qu’ont les âmes exilées,
Trop belles pour être aimées.
Certains jours, il semble me sourire,
D’autres, être triste à en mourir.
Est-ce le portait vivant
Du changement permanent,
Ou le portrait figeant
Cette âme changeante ?
Car je n’ai de lui qu’un portrait,
Ses traits fixés pour l’éternité.
J’y vois mille caresses aimantes,
J’y entends mille symphonies,
Aux accents tourmentés,
Et je pleure toujours à la note si.
Tant de nuances traversent l’onde
De ses yeux gris bleutés, couleur profonde,
Aux coins de sa bouche délicate,
Se pose l’amertume d’un soupir,
Peut-être un faible sourire,
Qui un pour instant éclaire
Le miroir de son air figé
J’ai alors le souvenir
De ce qui n’a pas été
Image flottante du passé
Qui inspire et qu’importe
Que mon songe expire
Car à cet instant je sais
Comment je l’eusse aimé.
Schubert, Andantino de la Sonate en la majeur (D959, posthume)